« J’aimerais jouer au mec libertaire qui se dit : « S’ils trouvent leur plaisir comme ça, pourquoi pas ? » Une partie de moi pense ça, mais une autre ne peut s’empêcher de trouver ces pratiques simplement répugnantes… Où s’arrête la pratique sexuelle et où commence la perversion ? Est-il aussi acceptable d’introduire son bras dans le trou du cul d’un mec ou d’être excité(e) à la vue de personnes estropiées que de se contenter de pratiques sexuelles plus conventionnelles ? Je suis pas du tout attiré par ces pratiques bizarroïdes (pour moi !), mais j’aimerais franchement que quelqu’un m’explique où il place la limite. Est-ce juste une histoire de consentement mutuel ? Le fait de mettre en danger l’intégrité physique d’autrui (même avec son accord) ne constitue déjà-t-il pas un pallier critique ? » Marc.
Le FF n’est pas un jeu qui va de soi. Il demande un grand travail mental. Il provoque souvent chez les observateurs extérieurs répulsion et dégoût. Alors qu’il n’est déjà pas toujours facile pour une femme ou un homme de se faire sodomiser, on imagine bien à quel point l’idée de se faire rentrer plusieurs doigts ou un point dans le vagin ou l’anus peut poser problème. C’est à un second dépucelage symbolique que l’on a affaire. Le lieu de l’insulte suprême, « enculé(e) » devient le théâtre de plaisirs inavouables. On jouit par là ou l’on « pèche ».
Le fist n’est pas un art très consensuel. Il continue de choquer et de faire peur. On a du mal a comprendre comment deux ou plusieurs individus en viennent à la main voir aux deux pour satisfaire leur appétit sans fonds.
Il s’agit de se défaire de ses peurs et croyances. Il faut vivre un fist pour appréhender qu’il se passe quelque chose d’énorme.
Pour Ovidie, « le fist vaginal est une pratique parfois effrayante pour les femmes. La peur, bien légitime, que « ça ne rentre pas » peut en être la cause.
On peut également craindre, tout comme après un accouchement, de perdre une partie de notre tonicité vaginale. Concernant les hommes straights, il me semble que très peu sont friands du fist vaginal. Beaucoup y voient une dimension castratrice.
« Pourquoi ma femme aurait-elle besoin d’une main dans son vagin ? Mon pénis n’est-il pas assez grand ? ». En revanche, autant le fist vaginal est marginal, autant je suis stupéfaite de constater que les spectateurs masculins hétéros sont friands de vidéos X de fist anal. Cela me dépasse. De là à oser le proposer à leur propre femme ? Je ne le crois pas. Je pense que toute cette fascination pour les dilatations dans les films hétéros ne participe malheureusement pas à une valorisation du plaisir anal, mais plutôt à une volonté d’avilir le corps des femmes.
Pour beaucoup d’hommes hétéros, il existe la plupart du temps une confusion entre « enculer » et « soumettre ». Regarder ces vidéos est probablement une forme d’exutoire pour tous ceux qui ne supportent pas l’égalité entre les genres qui s’instaure doucement dans notre culture. « Ah elles veulent l’égalité ? Ben tiens, qu’elles se fassent éclater l’anus, ça leur apprendra ».
Pour décider son copain ou sa copine de passer à l’acte, on essaiera des phrases de type « as tu entendu parler du fist ? Il paraît que c’est génial ». En fonction de ses réactions, on travaillera au corps ou pas. Hard ou pas ?
« Si l’on a une réelle connexion émotionnelle avec son partenaire et que l’intimité de cette expérience nous rapproche, les émotions dépassent les sensations. En revanche, si je baise comme une brute avec une amie, ou avec un plan cul bimensuel, je m’éloigne de la signification émotionnelle. Tout dépend du contexte. » Deborah Addigton.
Le fist est souvent dénigré par l’image qu’en donne la pornographie. Les vidéos sont tournées avec des acteurs pros ou des amateurs confirmés qui peuvent encaisser.
En fait plus que pour tout acte sexuel, il se doit d’être réalisé avec un minimum de respect et de préparation. Le fist souffre d’une réputation de pratique extrême alors qu’elle nécessite la plus grande douceur.
Le SM est un jeu très vaste et peut inclure beaucoup de choses. Le fist est une méthode très spécifique. La communauté SM/Cuir comprend une grande part de fisteurs et fisteuses, mais il y aussi beaucoup de personnes qui pratiquent le fist et ne sont pas SM.
Pour ceux qui opèrent le fist dans un cadre sadomasochiste, il faut faire en sorte que la sensation de danger soit plutôt psychologique que physique, et être constamment attentif à l’esprit dans lequel se trouve le joueur, surtout la ou le fisté(e). Mais quelque part, le risque mental est intrinsèque à la pratique du fist. Le partenaire à symboliquement droit de vie ou de mort.
La discipline du fist a été hâtivement catégorisée sadomaso (SM). Or si l’on se réfère à Sade, on ne trouve pas chez lui de fist-fucking stricto sensu. Comme l’explique le spécialiste du divin marquis, JeanJacques Pauvert à Libération, «l’introduction de la main dans le vagin n’est en rien sadique ou sadienne puisque c’est une pratique voluptueuse, les parois du sexe féminin étant très élastiques.
Quant au fist anal, là c’est probablement plus douloureux, mais chez Sade, il n’apparaît pas comme tel, il est forcément assorti de l’arrachage des entrailles ou de tout autre empalement sanglant».
C’est pourtant bien en tant que pratique SM que le fist a connu une fortune théorique inattendue. Michel Foucault, interviewé par le magazine gay américain The Advocate, en 1982, parle, citant le fist, entre autres, d’un déplacement du plaisir physique hors des cadres classiques du rapport sexuel : «Ce que les pratiques SM nous montrent, c’est que nous pouvons produire du plaisir à partir d’objets très étranges, en utilisant certaines parties bizarres de notre corps, dans des situations très inhabituelles.»
Dans un autre entretien, la même année, il va plus loin : «On voit se constituer, dans les villes comme San Francisco ou New York, ce qu’on pourrait appeler des laboratoires d’expérimentations sexuelles.»
Aujourd’hui, le fist n’est plus une pratique uniquement BDSM, mais touche l’ensemble des classes sociales.